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Harcèlement : et si on arrêtait le massacre ?

Dernière mise à jour : 15 déc. 2019


Présentation vidéo de l'article : https://youtu.be/bJvNmwFtQ-g

Note : certains prénoms ont été changé.


Le jeudi 7 novembre 2019, comme tous les premiers jeudis de novembre, aura lieu la 6ème éditions de la journée contre le harcèlement scolaire. Que ce soit dans les écoles ou au travail, qu'il s'agisse des enfants ou des adultes, des milliers de personnes sont encore victimes de harcèlement au quotidien en France et dans le monde.


Le harcèlement, c'est quoi ?


Une définition complexe

Avant de vouloir stopper le phénomène, il faut comprendre de quoi il s'agit. L'article 22-33-2 du code pénal décrit le harcèlement comme « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » et est passible de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

Pourtant, dans les faits, la notion de harcèlement reste floue. C'est pourquoi il est parfois difficile de le repérer. L’harceleur agit dans l'ombre et les formes que cela peut prendre sont souvent interprétées comme de simples jeux d'enfants. Le pédagogue Éric Debardieux déplore la négation de ces "microviolences » qui sont négligées. Dans le cadre du travail, c'est la peur de perdre son emploi qui oblige la victime à rester silencieuse.


Lors de l'Emission du 26 avril 2018 de Ça commence Aujourd'hui, sur France 2, le psychologue Bruno Humbeck apporte d'autres précisions et explique : "Imaginez que je le bouscule toutes les trois minutes. Est-ce que je suis un harceleur ? C'est répétitif, c'est nuisible et c'est intentionnel. Ce sont les trois points qui définissent une situation juridique de harcèlement. Pour autant, est-ce que je suis harceleur ? Non, je suis un emmerdeur. Maintenant, si je refais la même chose, puis je vous regarde [Ndlr : il se tourne vers la présentatrice] et on se met à sourire. Là je suis un harceleur, parce que je fige les rôles dominant, dominé et les spectateurs."


« Tu vis en tension nerveuse permanente, 365 jours sur 365, 24 heures sur 24 »


Le harcèlement peut prendre différentes formes, et a beaucoup évolué avec les nouvelles technologies. On liste en règle générale le harcèlement moral (moqueries, insultes, menaces...), physique (bagarres, racket...) ou sexuel.


Mais quand est-il, concrètement ?


Julie, étudiante en lettre, décrit les « rumeurs, les mains aux fesses, tentatives de bisous forcés », le jour où on lui a « éclaté la tête dans le casier » ainsi que le « cyberharcèlement [...] dans des groupes de discussions Messenger privés » durant son année de 3ème. Elise évoque l'enfer qu'elle a vécu pendant son année de 4ème, entre le vol de ses affaires, les « projectiles dans [ses] cheveux » ainsi que les menaces de couper ses cheveux ou encore les agressions aux compas.


Tous, évoque les moqueries. Marion, dans l'émission Ça commence aujourd’hui, mentionne le physique parce que « le physique, c'est ce qui as de plus facile à critiquer ». Amandine, qui travaille dans le milieu de l'édition raconte : « Avant de revenir en France, j’avais déjà été plusieurs fois mal-considérée parce que j’étais « white. » En France, j’étais différente, nous déménagions souvent, et je débarquais d’un pays étranger malgré ma peau blanche et mes cheveux blonds. Adolescente, je n’étais pas « maigre », mais pas en surpoids non plus. Pourtant, on s’en est pris à moi pour ça. "La grosse." ».

Léo, lui, se souvient de ces moqueries comme « sans importance » avec le recul, « mais lourdes ». C'est en quatrième que les choses s'aggravent, à travers de la manipulation : « J'ai rencontré une fille j'étais amoureux d'elle je lui ai dévoilé mes sentiments, elle avait un copain mais je me suis dit pas grave on peut toujours être amis. Et du jour au lendemain elle a plus voulu me parler sans raison. A un moment elle m'a fait croire qu'elle était amoureuse de moi et en fait, ce n’était pas à elle mais à son copain que je parlais. [Après un voyage en Italie], j'ai entendu que je l'avais harcelée. En cinquième, j'en avais marre, et je lui demandais d'arrêter d'inventer ça, et je me suis excusé si elle s'était sentie harcelée, que je n'avais jamais voulu faire cela. A un moment j'étais très énervé et je lui ai envoyé un message pas sympa pour lui faire peur et pour qu'elle arrête. Mais elle a été se plaindre, et moi on m'a dit que c'était dans ma tête les moqueries. Je n’avais pas de preuves, du coup l'école ne pouvait rien faire, et elle elle en avait des "preuves". Ça me blessait, parce que moi, on ne me croyait pas. ».


L'apparition des nouvelles technologies et des nouveaux moyens de communications ont permis au harcèlement d'évoluer. Il y a plus de dix ans en arrière, les moqueries s'arrêtaient lorsqu'on rentrait chez soi. Aujourd’hui, le harcèlement continue lorsque la victime est chez elle, seule. Elle n'a plus la possibilité de se couper de ses agresseurs. Comme l'explique Florence, victime d'un groupe d’harceleurs nommé la Ligue du LOL, lorsque le harcèlement est omniprésent et dure des années, « tu vis en tension nerveuse permanente, 365 jours sur 365, 24 heures sur 24. Tu as cette épée de Damoclès au-dessus de ta tête. ».


Internet a donc amené l'apparition d'autres formes de harcèlement. On peut citer par exemple le Revenge Porn, une forme de cyberharcèlement qui consiste à envoyer des photos dénudées sans le consentement de la personne qui apparaît sur ladite photo. Une violence qui touche 17% des lycéennes selon l'association "Osez le féminisme". Mais le Revenge Pro, ou "vengeance pornographique" n'est qu'une des nombreuses formes du cyberharcèlement. Elise, déjà citée, parle à son tour des « photos prises à [son] insu, postées sur Facebook et les messages haineux ». Amandine se rappelle elle aussi une « longue et interminable soirée » durant laquelle elle a dû faire face à du harcèlement de masse sur les réseaux sociaux.


Un autre phénomène apparut en 2015 en Russie, est le Blue Whale Challenge, une des preuves de la dangereuse mode des challenges. Inventé par un russe du nom de Philippe Boudeïkine, il consiste à réaliser une liste de 50 défis donné par un "tuteur". Le dernier point demandant à la victime de se suicider. Ces "jeux" ne sont pas récents, comme le montre par exemple le jeu du foulard ou encore du "petit pont massacreur". Internet a, quant à lui, élargit l'influence et la puissance de ces challenges. Ces phénomènes de masses peuvent être définit comme une forme de harcèlement car les instigateurs ont une influence néfaste sur leur victime. De plus, les éléments choisit sont le plus souvent des personnes faibles psychologiquement, qui cherchent à travers ses jeux un moyen d'être accepté parmi les autres.


Entre harceleurs et harcelés

« J'étais une cible de choix »


Peut-on définir des profils types de "harcelé" et de "harceleur" ? Pourquoi certains sont-ils harcelés, tandis que d'autres y échappent ? Pour comprendre ce grand "loto" du harcèlement, nous avons interrogé les victimes sur les raisons qui, à leur avis, ont motivé leurs bourreaux.

Trois d'entre elles nous sont unanimes : « Je ne comprenais pas pourquoi c'était moi ». Elise précise qu'elle « n'avait jamais embêté personne » et qu'elle ne « comprenait pas pourquoi, tout d'un coup, [elle] était devenu la bête noire de la classe ».

Pour Marie, qui a subi des moqueries pendant dix ans, la question n'a pas lieux d'être, il « n'y a aucune raison. Le harcèlement n'a pas de raison ». Amandine, elle, s'interroge : « Est-ce que je peux réellement trouver des raisons, en réalité ? J’étais peut-être la proie facile, tout simplement. »

Une conclusion à laquelle de nombreuses victimes ne parviennent pas à accepter, malgré le temps qui passe. Mélanie explique quant à elle que les raisons se sont "succédé au rythme des années et des mentalités. J'étais simplement la fille différente qui venait de déménager. Je ratais énormément de cours en maternelle car mes parents ne considéraient pas cela comme important. J’avais donc des lacunes en rentrant au CP, ce qui fut un nouveau prétexte. Il y avait aussi une histoire de poux et mes parents, qui étaient un peu originaux. [...] Vers le CE2, une nouvelle cause est apparue : je mangeais mes crottes de nez." Pour cette étudiante en informatique, elle avait une " part de responsabilité". Le sentiment de culpabilité est très courant parmi les victimes. Le psychanalyste Moussa Nabati explique à Figaro Madame que le mécanisme de la culpabilité de la victime innocente « remonte à notre enfance. Quand il naît, un enfant ne fait pas la différence entre lui et autrui. En un sens, il est tout puissant. Et, lorsqu'il n'est pas aimé ou désiré [...], il est mauvais ou indigne d'être aimé. En d'autres mots, coupable. » Ce phénomène peut être destructeur. "Il est normal d'être temporairement ébranlée [quand on subit du harcèlement], continue le psychanalyste, Mais c'est la culpabilité de la victime innocente qui fait que vous êtes irrésistiblement effondrée. ».

Une position de "victime-coupable" qui est souvent fixé par les réactions de l'entourage. Amandine, qui a subi le harcèlement aussi bien dans le cadre scolaire que professionnel raconte que pour sa famille, « c'était normal ; parce qu'ils [la] savaient différente. Alors ce n'était pas la faute de ces gamins, ni de la [sienne]. Mais c'était à [elle] de le tolérer ».

Des conséquences à court et à long terme.


Dégoût de soi-même, isolement, manque de sommeil, échec scolaire... Les effets du harcèlement sont parfois insidieux et s'installe en nous pour longtemps. « J'avais l'impression d'être sale..., avoue Elise, Que j'avais un problème, quelque chose de foncièrement mal et qui justifiait qu'on me rejette et qu'on me fasse tout ça. J'ai eu peur que mes proches s'en rendent compte à leur tour et me rejettent aussi. Alors je ne disais rien... Je me cachais pour pleurer. A force, on intériorise tout et on finit par se dire qu'on est coupable de quelque chose. » Un comportement qui a fini par s'ancrer en elle. « Il m'a fallu du temps pour réapprendre à avoir une relation avec les autres, explique-t-elle, Qu'il s'agisse d'amitié, ou tout nouvellement, d'amour. […] J'ai toujours cette ombre qui plane au-dessus de moi, pour me rappeler que vous me subissez tous. Que je suis de trop. Que je gêne. » Sentiment partagé par Marie qui du haut de ses vingt-cinq ans affirme que « C’est toujours une blessure qu'[elle] essaie de guérir ». Mélanie quant à elle affirme « [qu'elle n'est] pas guérie, [car] on ne guérit pas [du harcèlement] ».


Des répercussions qu'Amandine a elle aussi vécue : « Je me sentais terriblement malheureuse. En colère aussi. Envers ces enfants-là, envers cette adulte qui me critiquait sans arrêt sur mon poids, envers ceux qui ne faisaient rien au point de me convaincre que c’était normal et que je le méritais, envers ma famille, envers moi-même… Tout le monde. [Encore aujourd'hui], les harcèlements ont eu de très lourdes répercussions sur ma vie. Je n’ai aucune confiance en moi. Nada. Je fuis le monde, les gens. Je ne sors pas de chez moi. J’ai un énorme souci avec l’autorité : je ne la supporte pas. Je ne souhaite pas de conflits, je m’écrase, et je ne sais pas dire « non. » J’ai un caractère gentil, et même si je sais que l’on peut en abuser, je suis terrifiée que l’on me tombe à nouveau dessus. J’ai un très mauvais rapport avec mon corps aussi. Je ne peux pas me regarder dans un miroir plus de cinq secondes. Je pense aussi que ça m’a construite. J’ai gagné plus rapidement en maturité, et un regard critique sur le monde qui m’entoure ».


« Je me sentais très mal dans ma peau et les moqueries physiques n’arrangeaient rien. Du coup j’ai très fortement pensé à en finir, admet Julie, j’ai essayé quelques fois de me couper mais (par chance) j’étais douillette et je n’ai pas franchi le pas par peur de la douleur mais aussi par peur de rendre trop triste mes parents et ma sœur. [Par la suite], j’ai eu de nombreux cauchemars dans lesquels je perdais mes proches. Ces paniques nocturnes ont duré jusqu’à la moitié de la L1 (soit 3 ans et demi en tout). »


« Je pense que ça a eu des répercussions étant donné que je suis très renfermé, reprends Léo, par peur que ça recommence. Mais ça a eu des répercussions aussi bonnes, je dirais, étant donné que c'est ça qui m'a poussé à aller vers ceux qui allaient mal pour les mêmes raisons. Parce que je me dis que moi j'aurais aimé que quelqu’un, même un inconnu débarque pour m’aide, alors moi je le fait ». Il ajoute vouloir faire partie d'une association si le temps le lui permet, tout en continuant à aider comme il le peut à travers les réseaux et les plateformes d'écriture.


« Pourquoi tu n'en parles pas ? »


C'est certainement la question que l'on pose le plus lorsqu'on découvre ce qui est arrivé après coup. Pourquoi ne pas en parler ? Pourquoi ne pas se défendre ? Dans l'émission Ca commence aujourd'hui, Patrice, ancien harcelé, explique que son père lui disait de se battre, que ça réglerai le problème. Alors il n'osait pas demander de l'aide aux adultes, pensant que c'était de son ressort.


Le silence peut s'imposer pour de multiples raisons. Pour Julie, « il fallait régler ça entre personnes de [son] âge parce que ce n’était pas assez grave pour prévenir les adultes ». Marie exprime elle « la peur de le dire à un adulte et que la situation empire ».

Un souci réside également, non dans le fait de ne pas en parler, mais dans celui de ne pas écouter. Pour se sortir de la spirale du harcèlement, Elise se tourne vers une enseignante qui n'a pourtant rien fait. « Elle a fermé les yeux, détaille-t-elle. Je dois mon salut à une autre professeure, que je n'aimais pas tellement car elle était très sévère, mais qui s'est rendue compte du problème en fin d'année. Justement parce qu'elle était sévère, ils n'osaient pas trop s'en prendre à moi pendant son cours. Mais vers la fin de l'année, ils étaient totalement foufous. L'approche des vacances ou autre... Ils ont fini par se déchaîner pendant l'un de ses cours et elle a remarqué qu'il y avait un problème. Elle a ramassé plusieurs boulettes de papiers qui jonchaient autour de moi, ou dans mon sac. Des insultes, des menaces... Elle m'a fait rester à la fin du cours et m'a confrontée aux papiers, à ses constatations. Elle m'a forcée la main. Elle voulait que je fasses une liste... ça s'est terminé en bureau de vie scolaire avec une confrontation avec mes harceleurs. Au moins, on m'a crue... Mais c'était trop tard. On m'a juste garanti que j'allais changer de classe à la rentrée prochaine et personne n'a été puni... Je n'étais pas franchement sereine à ma rentrée scolaire suivante. »


Les professeurs de Mélanie l'ont accusé de ne pas assez « s'intégrer ». De plus, malgré les plaintes, ses parents ont mis « du temps à [la] croire ». Résultats ? « Ils ont fait tout leur possible pour m’aider et ont mis au courant la directrice du collège. Elle m’a posé deux questions, auxquels je regrette aujourd'hui mes réponses : Qui te harcèle et qui veut tu avoir dans ta classe l’année prochaine. Je ne pouvais pas lui répondre tout le monde et personne, alors j’ai bafouillé quelques noms que je connaissais. Je regrette, le gars que j’ai accusé avait beaucoup participé au harcèlement, mais il était loin d’être le seul. Il était celui qui me faisait le moins peur et dont je connaissais le nom. ».


« J’ai harcelé pour ne plus jamais être celle que l’on harcèle. »

Un profil souvent négligé est celui du bourreau. Et pour cause, il n'est pas dans la nature humaine de chercher des "excuses" au coupable. Pourtant, on ne peut enrayer une maladie sans s'intéresser à sa cause. Et s'il existe des harcelés, c'est parce qu'il y a des harceleurs.


« Des filles superficielles » motivées par la « jalousie », « un meneur de groupe » qui ne supporte pas qu'on soit meilleur en cours que lui, des « voyous ». Voilà comment les victimes décrivent elles-mêmes les harceleurs.


Pourtant, lorsqu'on compare les profils des fautifs, ils ressemblent étrangement à ceux de leurs souffre-douleurs. Patrice, déjà cité, évoque un quotidien où il n'a connu « que la violence ». Lorsqu'un enfant ne connait que la violence, il ne peut répondre que par la violence. De plus, l'envie de faire partie du groupe, de s'intégrer ou de ne pas être la prochaine victime poussent de nombreux élèves à tyranniser leurs camarades.


Sur Europe 1, Julien, ancien harceleur, explique son aveuglement face à l'influence qu'il possédait : « J'avais une bande d'amis et puis je leur disais : "lui, je n’aime pas trop sa tête" et... j'essayais d'être un meneur et d'emmener les autres. [...] C'était un passe-temps." « [En lisant des témoignages], j'ai compris que ce n'était pas juste un passe-temps. Je créais vraiment de la détresse chez les personnes." L'effet de groupe est intrinsèquement lié aux harcèlements, ce que confirme Mélanie en rappelant que « Le harceleur, c'est tout le monde ».


Parfois, ce sont certaines victimes, qui deviennent bourreaux. Si la plupart des personnes interrogés ont assurés ne jamais vouloir se venger, ou reproduire le schéma, d'autres avoue y avoir songé. Mélanie ne l'a pourtant jamais fait car elle n'en « n'avait pas les moyens ». Amandine, plus loquace sur la question, développe : « Il me semble que oui, j’ai désiré me venger plus d’une fois. Je voulais faire mal comme il me faisait du mal quand j’avais encore la force de m’offusquer. Mais je me ridiculisais, et je culpabilisais ensuite : j’empirais les choses, ce n’était pas moi, et je ne voulais pas être aussi « méchant » qu’eux. On ne m’avait pas élevé comme ça. Harceler à mon tour ? C’est vrai que ça a dû arriver, juste pour me fondre dans la masse et par couardise : si c’est quelqu’un d’autre, ce ne sera pas moi. Mais je me suis rapidement reprise. La camarade de classe, nouvelle harcelée, est devenue mon amie – et ça n’a pas arrangé mon cas. Nous étions désormais deux dans le même bateau. Aujourd’hui, je me permets de glisser que nous sommes toujours en contact. Il y a des liens, même ténus, qui ne disparaissent jamais. » Avec le recul, elle avoue qu'il s'agit d'une « période de [sa] vie dont [elle n'est] pas fière. [Mais que] il ne faut pas se voiler la face, c’est humain d'être lâche un jour de sa vie, de vouloir que l'autre souffre pour que ce ne soit pas nous ou de se faire accepter en imitant les harceleurs. » Marion dans Ça commence aujourd'hui, confirme : "Tant qu'on est méchant avec une personne en particulier, le groupe ne se tourne pas vers nous".

Une ancienne harceleuse explique quant à elle au magazine mademoiZelle : « J’ai harcelé pour ne plus jamais être celle que l’on harcèle. [...] Je me rends compte que je n’ai fait que reproduire bêtement le schéma dont j’ai été victime, histoire de briser mon image d’intello ; histoire de ne plus être en bas de la hiérarchie des boucs émissaires ; histoire de croire que cela me fait exister socialement. »


Agir face au harcèlement


La nécessité d'une prise de conscience


La première difficulté à surmonter pour la victime est d'accepter qu'elle en est une, et de mettre nom sur ce qu'elle subit. Une prise de conscience qui peut être freinée par de nombreux obstacle, comme l'âge, la culpabilité, ou encore la normalisation de la violence par l'entourage.


« Pour moi, se rappelle Amandine, le harcèlement, ça n'existait pas. Je ne savais même pas ce que c'était. C’est une fois adulte que j’ai vraiment mis le mot et que j’ai assimilé ce que j’ai vécu. Quand le harcèlement en ligne m’est arrivé, j’ai rapidement percuté et je ne me suis pas laissé faire. J’avais appris, compris, et j’étais armée pour y faire face. »


La famille d'Elise, par exemple, a fait un "rejet" de sa situation. «. Si ça m'était arrivé, c'était forcément ma faute et je l'avais cherché. C'est dur à entendre, surtout quand on commence enfin à se dire que non, on n'est pas fautifs : on est victime. ».


Nous avons demandé aux victimes si elles pensaient que les informations autour du harcèlement étaient suffisantes. Pour Mélanie et Julie, c'est un « non » catégorique. « On ne mesure pas les conséquences à long terme du harcèlement, précise cette dernière, On parle beaucoup des conséquences directes, du suicide... Mais pas assez du choc psychologique que ça peut être sur plusieurs années. La prévention n’est faite qu’une fois de temps en temps par des intervenants qui disent « ne faites pas ça c’est mal » mais pas assez de démonstration, pas assez de prévention « choc » à mon goût. Les vidéos préventions font même parfois rire l’auditoire, ça me met hors de moi. » Désireuse de devenir professeur des écoles dans l'avenir, elle « compte bien mettre en place des séances de préventions » pour que d'autres n'est pas à subir ce qu'elle a vécu. De son côté, Marie souligne qu'une prise de conscience est en marche mais qu’« il y a encore un gros manque d’effort dans l’action, dans le changement. La parole se libère, mais les actes ne sont toujours pas en adéquation avec. Il n’y a qu’à regarder les dernières émissions sur le harcèlement pour comprendre que les personnes qui sont censés nous aider ne font pas le nécessaire pour assurer notre sécurité. »


« Je crois que le plus gros souci vient de l’éducation parentale… Apprendre à nos enfants la tolérance, le respect de l’autre est indispensable » intervient Amadine, elle-même mère d'un petit garçon de trois ans. Quand on est jeunes, on ne réalise pas le mal que l’on peut faire. La frontière entre bien et mal est encore un peu floue ; il faut prendre le temps de leur parler, de leur expliquer, de mettre les mots sans avoir peur de les choquer. » Elle déplore aussi l'absence de réaction des parents lorsque leurs jeunes enfants s'en prennent aux autres : « Ça sonne comme une permission. Et ça commence dans le cadre familial. C'est là qu'il apprend ses bases relationnelles. Ensuite, c'est l'école avec les professeurs, et les premiers copains. Dans une famille, on a tendance à croire que l'on peut tout se permettre, alors que bien au contraire, ça commence dans ce cadre bien précis : on respecte les autres, on les écoute, on est tolérants et bienveillants. » Un travail de longue haleine que la jeune maman sait indispensable : « C'est aussi beaucoup se remettre en question au quotidien pour guider son enfant sur le chemin de sa propre vie, et pour le meilleur qu'on lui souhaite en tant qu'individu. Mais c'est notre devoir parental. »


Nicole Catheline, pédopsychiatre et psychanalyste, donne les clés au magazine Elle pour détecter le harcèlement : « Un parent doit être alerté par toute modification de comportement. Par exemple, quand un enfant devient grognon. Ou encore par des troubles du sommeil, de l’alimentation voire des changements dans ses habitudes : il arrive régulièrement en retard à l’école, il décide de changer de bus (pour ne pas croiser son bourreau) ou alors il dit avoir oublié ses affaires (alors qu’elles ont été cassées). Tous ces changements ne sont pas anodins. Il faut y faire attention. Mais pour en être sûr, les parents doivent lui poser clairement la question : « Est-ce que quelqu’un t’embête à l’école ? » La formulation est importante. L’enfant doit se sentir en sécurité pour pouvoir se confier. Une question type « On ne t’embête pas, au moins ? » ne mène à rien. Elle ne fera que le murer davantage dans le silence par peur d’inquiéter ses parents. ». Bruno Humbeck, déjà cité, insiste sur la nécessité, une fois le harcèlement découvert, de ne pas demander à l'enfant « de s'opposer à l'écrasement d'un groupe. Le but du jeu, c'est que les adultes puissent dire "C'est fini, ce n'est plus ton problème, c'est notre problème" ».

Un outil de prévention

Une façon de sensibiliser les enfants - et les adultes - passent aussi par le domaine du divertissement. Des films, des séries, ou encore des romans sur le sujet peuvent être une approche pertinente dès le plus jeune âge, pour comprendre les conséquences du harcèlement. Cela peut aussi faire prendre conscience à la victime que ce n'est pas normale, et qu'elle est en droit de demander de l'aide.

Parmi ses œuvres, nous pouvons citer "Marion, 13 ans pour toujours" où Nora Fraisse raconte l'horreur qu'à vécu sa fille jusqu'à son suicide, et ses regrets de n'avoir rien vu. De n'avoir rien fait.


L'année dernière, TF1 diffusait le film dramatique "Le jour où j'ai brûlé mon cœur". Il revient sur l'histoire vraie de Jonathan Destin, qui a tenté de s'immoler par le feu pour mettre fin à son calvaire, et sur sa famille et ses professeurs qui se demandent comment ils ont pu en arriver là.


Enfin, Martine Pouchain se met dans la peau d'une harceleuse à travers son livre "Johnny" dans un long monologue où l'héroïne tente de comprendre la souffrance qu'elle a pu engendrer, et pourquoi, parfois « même quand on ne fait rien, on est coupable. De n'avoir rien fait justement. ».

LO IACONO Sarah

07/11/2019

Numéro Vert : 3020

Service et appel gratuits, ouvert du lundi au vendredi de 9h à 20h et le samedi de 9h à 18h (sauf les jours fériés).

N° Net Ecoute : 0800 200 000

Numéro vert national gratuit, anonyme, confidentiel et ouvert du lundi au vendredi de 9h à 19h.


Sources : https://www.education.gouv.fr/cid134915/journee-nationale-de-lutte-contre-le-harcelement-a-l-ecole.html

https://www.unicef.fr/sites/default/files/userfiles/06_HARCELEMENT_SCOLAIRE_EN_FRANCE.pdf

https://www.youtube.com/watch?v=6IlMkGbmxvk&t=3062s

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ric_Debarbieux

https://www.neonmag.fr/le-cyberharcelement-ma-detruite-3-victimes-racontent-530158.ht

https://www.youtube.com/watch?v=al7Y026ja_Q&t=449s&bpctr=1572704782

https://www.youtube.com/watch?v=sSfNUMy1cPM&t=819s

https://osezlefeminisme.fr/stopagresseurs-le-cyberviol/

https://www.youtube.com/watch?v=PGP6gGruQrk

https://www.madmoizelle.com/harcelement-scolaire-parole-harceleuses-180989

http://madame.lefigaro.fr/bien-etre/pourquoi-on-se-sent-coupable-meme-quand-on-a-rien-fait-220616-114931

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