Titre : Sommeil Aboli
Auteur : Christophe Mogentale
Date de Sortie : 1 octobre 201
Genre : Science-Fiction
Edition : Autoédition
Enfant des années 80, bercé par la science-fiction de l’âge d’or, c’est tout naturellement que Christophe Mogentale a choisi… De s’en éloigner ! Car l’âge adulte rapproche le réel et qu’il est important de le questionner, de le déformer, toujours en ménageant du suspense. Dans une autre vie de moindre importance, il est informaticien dans le domaine de l’intelligence artificielle, domaine avec son propre lot de chimères et de malédictions.
L’écriture est l’autre côté de la médaille. Un côté qui brille, et qui invite. Rejoignez-le dans le monde des lendemains qui chantent sans autotune.
Après la catastrophe de Chanoo, capitale d'un pays plongé dans la guerre civile, trois hommes s’allient dans la volonté de créer un monde meilleur. C’est ainsi que l"enclave de Machia voit le jour. Sa spécificité ? le Sommeil Aboli, une pilule obligatoire qui neutralise votre besoin de sommeil. Le temps vous appartient désormais, mais plus celui de rêver. Considéré comme un loisir illégal, ce que l’on appelle dorénavant les drims, est devenu une nouvelle drogue.
Premier précepte des Drimeurs : Ne jamais consommer ses propres rêves
Arty Halfidre est un drimeur. Bravant les règles du Sommeil Aboli, il vend ses propres rêves. Travaillant entre Machia et les extérieurs, il se retrouve impliqué malgré lui dans les complots qui visent la cité. En effet, certains de ces drims semblent produire des effets étonnants sur ceux qui les consomment. Au fil du temps, Arty commence à douter. Qui l’utilise afin de nuire ? Machia ressemble-t-elle vraiment à la cité de liberté que son père avait imaginée ? En qui peut-il avoir vraiment confiance et où se cache la vérité ?
Avant tout, je souhaite remercier Christophe Mogentale pour sa confiance pour ce SP.
Nous plongeons aujourd’hui dans un roman de science-fiction aillant un sujet bien particulier : l’absence de sommeil et tout ce que cela implique. Un thème intéressant et que l’on ne croise pas tous les jours. Nous partons donc sur de bonnes bases, l’enjeu étant de bien traiter le sujet et tout ce qui va avec.
Défi réussi ?
« Il rencontrait toujours l’image de son père quand il ne s’y attendait pas. »
L’histoire se déroule dans le monde de Nanek. Après une grande catastrophe nommée « Chanoo », une cité-bulle du nom de Machia est créé. Les habitants de cette nouvelle société sont dans l’obligation de consommer une pilule, le « sommeil aboli », annihilant leur besoin de dormir. Les gens ont désormais plus de temps, mais ne rêvent plus.
Certains pourtant ne prennent pas le médicament, et en profite pour enregistrer leurs rêves, qu’on appelle désormais des « drims » et les revendre comme une sorte de drogue. Notre héros, Arty Haldfire est un de ces « drimeurs ». Alors qu’il mène sa barque sans trop se poser de question, son petit commerce clandestin va le pousser malgré lui au cœur d’un conflit politique, social et éthique sans précédent.
L’intrigue est soutenue par un monde dystopique très pertinent. L’auteur a pris le temps de créer un univers avec son passé, ses qualités, mais aussi ses défauts et ses ennemis. Le travail en amont n’a pas été pris à la légère et cela se ressent à la lecture. Les technologies et le mode de fonctionnement de la cité sont bien démontrés sans pour autant nous noyer sous des explications sans fin. Si à certains endroits la chronologie est un peu compliqué à suivre, la structure du roman reste efficace et de grande qualité.
Un autre élément fondateur est bien évidemment le personnage principal : Arty Haldfire. Chose très peu conventionnel et intéressante ici, le héros ne met pas son monde en doute. Du moins pas tout de suite. Durant une importante partie du roman, Arty a confiance en Machia, malgré le fait qu’il en transgresse les lois. À aucun moment il ne souhaite la chute de la cité ou celle du « démiurge », le dirigeant Nil Ademstat. Cela va rendre son développement et le déroulement des événements beaucoup plus complexe pour lui, et, de fait, les conséquences n’en seront que plus forte.
Autour de lui gravite des figures plus ou moins importante. Difficile de toutes les reprendre ici au vu de leur nombre. Nous pouvons évoquer le personnage de Sarah qui est assez ambiguë. Sa relation avec Arty va très vite, puis se complexifie sans qu’il n'y ait toujours une bonne raison à cela. Plusieurs de ses réactions, de ses paroles peuvent être flous et son fort caractère est parfois agaçant. C’est un personnage qui n’est pas la demi-mesure : on s’y accroche beaucoup ou pas du tout.
Certains personnages sont très intéressants et l’on peut regretter de ne pas les voir assez comme la mère et la sœur d’Arty. Le démiurge en revanche est vraiment bien travaillé tout au long du roman. Même s’il n’est pas souvent là, on sent son influence et son impact dans la vie d’Arty au fil des pages. Parmi les proches du héros, nous avons aussi son meilleur ami Marco, avec une évolution pertinente. C’est une figure qui accrochera le lecteur, tant par ses sentiments, par ses paroles, ses actes et ses pensées. Il permettra aussi l’arrivée de très belles scènes pleines d’émotions. Enfin, notre aventurier croisera sur sa route d’autres protagonistes auxquels on s’attache aisément, à savoir Paul D’Uta, Volpen Garo, Willian ou encore Ray Gamesh.
« Quitte à enfreindre les règles, tu pourrais le faire pour des sujets qui en valent la peine. »
En ce qui concerne le style d’écriture, il est plutôt agréable dans l’ensemble. On relève néanmoins quelques répétitions et un grand nombre d’adverbes qui peuvent parfois alourdir la lecture. À noter aussi une syntaxe parfois complexe qui ne conviendra peut-être pas à ceux qui lisent peu. Les descriptions sont plutôt bien ficelées, donnant un côté très filmique à l’ouvrage. On visualise plutôt bien l’ensemble du décor et la distinction forte entre Machia et les Extérieurs.
Christophe Mongentale en profite aussi pour aborder plusieurs questions plus « philosophiques » à travers les tourments de ses héros. Notons par exemple des réflexions sur le temps, sur les rêves et, plus surprenant, sur l’art. Aucune vision n’est plus défendue que l’autre au final, et il n’y a pas de réelle réponse apporté, mais « Sommeil Aboli » a le mérite de poser les interrogations et de permettre le débat. Si le monde qui y est décrit n’est pas le nôtre, il n’en est pas moins que de telles discussions peuvent être enrichissantes !
« L’art naît dans la contestation, dans la lutte et dans la souffrance, ou alors il est aussi terne que son sujet. Ici, la vie est facile et l’art est un mirage ».
La fin du roman est un choix risqué. Le lectorat sera forcément divisé sur celle-ci, en fonction de sa compréhension de son histoire. Une telle fin porte forcément un message et dit quelque chose, mais laisse aussi une part importante au non-dit. En ce qui concerne les valeurs que défend le roman, cela ne change au final, pas grand-chose. Il n’empêche que pour nos protagonistes, cette conclusion change tout, et réduit de manière non-négligeable certains enjeux.
« Sommeil Aboli » est un livre intéressant, original où l’action, l’émotion et l’éthique cohabitent. Si la fin ne peut pas plaire à tous, le message du roman et, quant à lui, accessible par tous. Un roman à mettre entre les mains des adeptes du genre, et de ceux qui n’ont pas peur d’y perdre le sommeil…
« Abandonne tes rêves Arty, sinon tu ne seras jamais heureux ».
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