Titre : Les Larmes du Lac
Auteur : Marie Havard
Date de Sortie : 1er Mars 2018
Genre : Fantastique, mystère,
Edition : Autoédition
Anne arrive à St Andrews, en Écosse, après avoir tout quitté. Sa vie a basculé le jour où elle a perdu son bébé, et après ce drame, elle cherche à se reconstruire.
Elle s’installe en colocation dans une jolie maison au bord d’un lac et trouve un petit job à la bibliothèque. Peu à peu, l’histoire de la ville la captive au point qu’elle mène ses propres recherches sur les martyrs et les sorcières qui ont péri à St Andrews.
Lorsqu’elle découvre que la vieille demeure de Lochan Wynd, dans laquelle elle habite, cache un terrible secret, c’est le début d’une enquête entre réalité et illusion… Rencontres mystérieuses, faits étranges, les fantômes du passé sortent peu à peu de l’ombre…
Qu’est-il arrivé dans la chambre avec vue sur le lac ? Comment démêler le vrai du faux à propos des légendes qui planent sur la ville ? Qui est réellement Rebecca, l’étrange voisine ?
Alors qu’elle peine à se reconstruire, Anne est happée par ces énigmes qui se multiplient, dans une quête qui va la mener au-delà d’elle-même, aux frontières de la folie...
Anne saura-t-elle se retrouver après ce voyage en Écosse ?
Tout d’abord, je souhaite remercier le site Simplement.pro — ainsi que l’auteure — pour m’avoir permis de découvrir cette œuvre.
Dès les premières lignes du résumé, on plonge dans un univers unique. L’Écosse est un pays — en plus d’être magnifique — plein d’intrigues, de mystères et de légendes. Un décor parfait. On comprend que l’on va basculer entre le réel et l’illusion : se pose donc la question du genre auquel on a affaire. Est-ce de la fantaisie ? Ou bien y-a-t’il une explication logique derrière tout cela ?
L’enjeu est de taille dès le début, chaque détail se doit d’être maitrisé pour donner de la cohérence et de la profondeur au récit. Marie Havard se lance dans sujet intéressant, mais dangereux, sans compter le thème délicat du deuil de l’enfant mort-né. De plus, on constate qu’il y a d’ores et déjà beaucoup d’éléments, il s’agit donc de ne pas se perdre et de bien les doser. Ma seule réserve concernant ce résumé est qu’il y a beaucoup de questions, et — d’une certaine manière — ça empêche le lecteur de faire une partie du travail. Il n’a pas besoin de se les poser, elles lui sont déjà données.
Alors ? Pari tenu ?
« J’avais besoin de faire une parenthèse dans ce long paragraphe mal écrit qu’était mon existence, de m’en aller au loin. »
Nous suivons donc Anne qui pose ses valises à St Andrews. Elle a fui la France, après la mort de son bébé Lara, pour partir se reconstruire dans les paysages écossais. Anne est un personnage assez disant, qui ne fait que subir dans un premier temps. Mais elle prend ses marques au fur et à mesure et le lecteur se sent proche d’elle. C’est un protagoniste attirant, que l’on sait meurtri et qu’on veut aider.
Il peut être difficile de rentrer dans l’histoire. Les actions s’enchainent comme dans une « liste » (je fais ça… puis ça…) qui s’ajoute un déroulement très rapide des événements (on passe de la découverte de l’offre d’emploi — sans voir la librairie — au fait qu’elle obtient son travail la ligne d’après). Certains passages ont — à mon sens — manqué d’être étoffés. De plus, le choix du passé simple et de la première personne du singulier est assez rare et rend les phrases parfois un peu « lourdes ». Néanmoins, on s’y fait assez vite et ce temps donne à l’ensemble un aspect de conte et de légende cohérent avec l’histoire.
Un point très appréciable est la présence des citations au début des chapitres. En plus d’être proches de l’intrigue, elles permettent de découvrir ou redécouvrir les plus beaux auteurs.
« Une petite enveloppe qui contenait tout ce qui nous restait de Lara, une photo et les mille rêves que nous avions pu faire de notre vie avec elle. »
Mais la grande force de ce livre se trouve ailleurs. L’auteure nous frappe par sa description réaliste des sentiments d’Anne, qui ne nous fait qu’imaginer la douleur que peut causer la perte de son bébé. Les passages où la jeune femme évoque son enfant disparu sont poignants. D’abord évasive, l’héroïne nous confie chaque étape de sa descente aux enfers. La peine, le refus de cette réalité trop horrible, la culpabilité, puis les souvenirs de plus en plus insupportables…
Une ode à l’amour le plus pure, celui d’une mère pour son enfant
En plus des émotions, le lecteur est immergé dans les paysages écossais. Si on entre avec difficulté dans l’histoire, on se plonge avec plaisir dans son décor. Des détails précis sont donnés lorsqu’elle intègre la maison. La description est concentrée sur des éléments semblant sans importance — une tasse, un bout de tissu — qui cède des repères au lectorat, mais reste assez évasive pour laisser à chacun le loisir de se faire sa propre vision des choses. Marie Harvard nous offre également une représentation impressionnante de l’Écosse lors des promenades de son héroïne en haut d’une tour, au pied de la cathédrale, dans le pub d’Adam, dans la vielle demeure ou encore dans les rues de St Andrews. S’en ressort une écriture très poétique, quelque chose de l’ordre du ressenti qui rend la lecture très agréable.
La dimension lyrique du roman se perçoit aussi à travers la « relation » entre Anne et Elizabeth. L’une a perdu sa mère, la seconde sa fille. Une dans le présent, l’autre dans le passé. Elles cohabitent dans les pages, dans l’histoire l’une de l’autre. Il ressort de ce lien entre les deux femmes quelque chose d’intime, d’unique et surtout de beau.
Afin d’oublier sa douleur, Anne va donc se plonger dans le récit de la petite ville. C’est un véritable plaisir de mener l’enquête avec elle. Nous sautons dans l’Histoire avec un grand « H ». Il est important de souligner les recherches conséquentes qu’a effectuées l’auteure. Les — nombreux — martyrs cités dans l’œuvre ont réellement existé. S’il peut arriver qu’on se perde un peu au milieu des noms et des dates — même si Marie Havard nous remet vite dans le chemin et parvient à rendre le tout passionnant —, je ne peux que saluer la justesse historique de l’ouvrage.
Pleine d’enthousiasme, Anne va faire appel à son entourage pour en savoir plus. En premier lieu, elle se tourne vers les trois habitants de Lochan Wynd : Alex, William et Mathieu. Chacun d’eux a une particularité qui est essentielle à l’avancement des recherches de l’héroïne. William est féru d’histoire, la famille d’Alex est liée au passif de la maison et Mathieu est professeur de français et musicien à l’église. Deux d’entre eux sont des expatriés ce qui établit une connexion directe avec Anne — ce qui est une très bonne idée. Cependant, l’évolution de leur relation avec Anne est très rapide — peut-être trop. Ils s’accordent une confiance mutuelle dès le début et j’aurais apprécié en savoir plus sur les pensées d’Anne à leur sujet. Cela sera approfondi plus loin, ce qui corrigera le problème — mais un peu tard. Un souci supplémentaire peut être souligné lorsque les garçons — et d’autres personnages peu après — évoquent le lac. Ils semblent ne pas aimer son histoire, être distants et ne pas vouloir en parler. Pourtant, c’est eux qui provoquent les discussions autour de celui-ci. On prend vite conscience que c’est ce qui permet de faire avancer l’intrigue, mais cela est parfois superficiel dans son côté « je sais des choses, mais je ne dirais rien… Oups, j’en ai déjà trop dit ».
En réalité, tout est construit comme une « machination ». Une pièce de théâtre dont les acteurs seraient les personnages, et le metteur en scène serait le lac. Ce dernier est difficile à définir, à la fois spectateur et maître des évènements. Il fascine Anne, l’attire autant qu’il l’effraie. Elle le perçoit à la fenêtre, et c’est comme s’il la regardait se diriger inlassablement vers son destin.
« C’était comme si je vivais avec la connaissance de la vérité et de l’ambivalence des choses. »
Et ce lac en devient oppressant, tout comme le personnage de Rebecca. Elle semble en savoir beaucoup, mais elle reste inaccessible. Est-elle une menace ? Une aide ? Rien de sûr. Le mystère est complet. Ce personnage, comme d’autres éléments de l’intrigue, fait penser aux nombreux motifs des premiers romans gothiques. Les bougies qui s’éteignent dans un coup de vent, l’impression de vision à travers la fenêtre, le symbole des sorcières… Au détour d’une page, Marie Havard nous replonge tendrement dans l’ambiance des premiers livres qui nous ont fait trembler. Mais surtout des premiers qui nous ont fait rêver.
Ce sentiment d’angoisse persiste à travers la représentation générale de l’œuvre. Le tableau que nous dépeint Les larmes du lac rend l’atmosphère particulière. Malgré les descriptions, la sensation de flou reste constante. Il nous manque des informations qui pourraient paraitre essentielles comme l’âge des protagonistes. On a des indices, mais rien de clair. L’auteure fait donc un parallèle intelligent et parfaitement maitrisé avec le brouillard écossais et le « brouillard » de l’intrigue.
Je garde toutefois quelques réserves sur la fin. Même si elle faisait partie de mes suppositions, j’ai été quelque peu déçue. J’aurais apprécié une explication différente et peut-être plus approfondis — ce qui aurait permis de prendre en compte un certain nombre d’indices qui ont été un peu laissés de côté. Malgré tout, j’ai passé un très bon moment de lecture. C’est un savant mélange des genres que nous a concocté l’auteure, et je conseille cette lecture à tous ceux qui aiment le mystère, l’histoire, la poésie et se plonger dans des paysages sublimes.
« En Écosse, les légendes restent vivantes. »
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