Titre : E-Storic
Auteur : Thomas Palpant
Date de Sortie : 27 Juillet 2017
Genre : Anticipation, Science-Fiction
Edition : Autoédition
Et vous, comment réagiriez-vous si TOUT ce que vous avez fait sur le web depuis deux décennies était dévoilé au grand jour ?
L’historique Internet de la planète est en fuite. Persuadé d’un incident éphémère, je tente de résister à la panique ambiante. Et pourtant, j’allais moi aussi être pris dans la tourmente d’une crise sans précédent, qui accoucherait bientôt de profonds bouleversements. D’espoir en désillusions, rien ne serait plus jamais comme avant…
Un roman d'anticipation réaliste sur notre société obsédée par l'apparence et le jugement porté aux autres, qui se veut une réflexion sur Internet et l'usage que nous en faisons.
Je remercie avant tout l’auteur et le site Simplement.pro pour leur confiance.
Difficile de commencer une chronique sur ce livre. Pourquoi ? Et bien parce qu’il y a beaucoup de choses à dire, mais qu’il est – à mon sens – bien mieux de les découvrir par soi-même. Alors, mon premier conseil au futur lecteur de Thomas serait de ne pas lire ma chronique, et de le laisser vous surprendre. Je me porte garante que vous ne serez pas déçu.
Vous n’êtes pas convaincu ? Dans ce cas, vous le serez peut-être après cette chronique…
« On aurait dit un jour de nouvel an, tout le monde voulait parler à tout le monde, sauf que cette fois-ci, ce n’était pas pour se souhaiter le meilleur. C’était pour s’annoncer le pire. »
La première question du résumé nous accroche toute de suite. Elle implique le lecteur avant même qu’il se lance dans l’histoire, et le pousse à réfléchir. D’emblée, des scénarios prennent vie dans notre esprit, et on n’a plus qu’une envie : aller vérifier tout cela par nous-même. Internet et ses dangers sont des sujets tout à fait intéressants à notre époque. Le risque est partout, et on le sait tous plus ou moins, mais ça n’empêche personne de dormir. Le risque dans cette histoire est double : développer l’idée et ses conséquences de manière réaliste, et ne pas plonger dans un discours moralisateur.
Verdict ?
« Une nouvelle vague de voyeurisme, voire de délation s’empara alors de la planète. On fouillait l’e-Storic de son voisin de palier. De son coiffeur. De son collègue de bureau. On voulait savoir. »
Le roman commence par la voix du protagoniste. Il remonte à la date du 17 février, là où tout a commencé. Un site web nommé « E-Storic » donne accès à l’historique internet de chacun. La première chose qui frappe, c’est qu’on ne connaît pas le nom du personnage principal. C’est une excellente idée, car il est à la fois personne et tout le monde. Il subit les événements comme n’importe lequel d’entre nous le ferait. Toute l’évolution de l’opinion publique vis-à-vis d’e-Storic passe par lui : le rejet, l’acceptation, l’oubli et la fascination se mélangent dans son esprit, et dans le nôtre.
Malgré le côté urgent et catastrophique de la situation, j’ai trouvé ce roman reposant. Comme si j’étais assise au café avec le héros, et qu’il me comptait son histoire. La plume de Thomas Palpant est fluide, et on se laisse porter par son histoire. On se sent bien, entre les pages d’« E-Storic ».
La grande force de cette histoire réside dans les réflexions qu’elle nous pousse à faire sur nous-même et sur notre utilisation d’Internet. Bien sûr – et heureusement pour nous – ce problème n’a pas (encore) eu lieu. Mais on se demande tout de même que ferions-nous si ça devait arriver. Un climat malaisant s’installe au fil des pages : on se méfie de tout le monde. Les parents, les amis, les employeurs… E-Storic fait des dégâts à tous les niveaux, et personne n’en échappe.
« On réalisait d’un coup les milliers d’heures gaspillées à brasser du vide, à tromper son ennui avec des futilités. »
C’est une véritable introspection que l’auteur nous invite à faire, une auto-analyse de notre comportement. Qui peut affirmer qu’il ne fouillerait pas l’historique de sa famille, des amis ? Qui peut se vanter de n’accorder aucune importance aux apparences ? C’est une prise de conscience parfois douloureuse, autant pour les protagonistes que pour le lecteur. Et rien ne sert de mentir, puisque le monde sait déjà tout.
À aucun moment, il s’agit d’un discours moralisateur. Le narrateur et le lecteur sont sur un pied d’égalité et non sur une relation « maître-élève ». Chaque passage que l’on pourrait qualifier de « leçon » est en fait une base de discussion de qualité pour un éventuel débat.
« Que d’éclats de voix, de sourires. Que d’hypocrisie. »
On note aussi que l’histoire contient beaucoup de rebondissements. À chaque fois que l’on pense avoir touché le fond, e-Storic affiche une nouvelle fonctionnalité qui détruit un peu plus le quotidien des gens. On vit dans la peur ce qui pourrait arriver.
Si les interrogations sont pertinentes, le tout manque un peu de sentiment. Mise à part un passage émouvant, l’histoire fait plus appel à notre cerveau qu’à notre cœur. Cela est aussi la conséquence du rythme soutenu du roman, qui laisse peu de place aux émotions. Certains passages auraient pu – à mon humble avis – être étoffés dans ce sens.
« Les passants, un peu moins la tête baissée sur leur écran, paraissaient un peu plus conscients de leur environnement. Se parlaient davantage. On avait recommencé à lire les journaux. »
Néanmoins, le roman regorge d’excellentes idées, notamment dans l’exploitation de l’historique et des statistiques par les agences. L’auteur nous offre également une panoplie de personnages divers, allant des stalkers les plus poussés à ceux qui refusent de jouer le jeu des créateurs d’e-Storic.
L’évolution de la moralité est aussi percutante. Les mouvements de foule, la honte et la peur s’emparent de chacun et c’est tout le système de pensée qui se restructure suite à la catastrophe. Un développement complet de toutes les facettes de notre existence.
« Machinchose a liké telle photo. Bidule a envoyé tel snap. Tiens, il marche dans la rue. Oh, elle pose avec ses amis. Wow, il boit un café. C’était incessant, rarement digne d’intérêt, et pourtant je n’étais jamais rassasié. »
Si la dimension « Internet » laisse à penser que les adolescents sont les plus visés par ce livre, je pense au contraire qu’il peut plaire à tout le monde. Car tous, nous utilisons Internet un jour ou l’autre.
Il est difficile de se positionner sur la fin. Au final, je pense que c’est la meilleure qui soit possible, parce qu’elle oblige le lecteur à se concentrer sur le plus important. Tout au long de la lecture, on comprend que c’est cette idée qui est la ligne conductrice, mais c’est grâce à cette fin, et à ce qu’elle décide de nous dévoiler ou non, qu’on saisit toute la pertinence du propos de Thomas Palpant.
Rien de moins qu’un coup de cœur, un grand bravo !
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